C’est une histoire comme une autre. Une histoire d’amour je crois. C’est toujours une histoire d’amour. Au moins au début. Une histoire trop courte.
Avant, je ne savais pas. J’avais déjà dit « je t’aime » et des millions de fois. Mais je ne savais pas. Je ne savais pas à quel point ça pouvait tuer, à quel point ça pouvait bruler. Je suis brulée. Chaque centimètre carré de mon corps est à vif. Mon corps est rouge, écarlate, cramoisi, calciné. Plus je m’allonge contre lui, plus je crame. Ces mains que j’oublie, ces lèvres qui manquent, ces regards absents.
Je l’aime. C’est tout con, dit comme ça. Mais c’est tout con, de toute façon. Je l’aime. Je l’aime plus que je m’aime. Je l’ai aimé plus que je me suis aimé.
Je ne sais pas si les détails comptent. Mais les détails, c’est tout ce qui me reste. Des souvenirs, par kilo. Ces souvenirs qui me serrent les tripes, qui me retournent le bide. Se souvenir jusqu’à gerber. Se souvenir jusqu’à détester. Je me souviens de leurs prénoms. Je me souviens des mensonges. Je me souviens de mes hurlements. Je me souviens de mon reflet dans le miroir. De mes mains qui tremblent. Les souvenirs et les pardons.
On ne pardonne jamais par choix, par volonté d’oublier ou parce que finalement, ce n’est pas si grave.
J’ai prétendu que je pouvais oublier, que je pouvais comprendre, que je pouvais ne plus y penser. J’ai prétendu que mes erreurs à moi étaient moins graves.
On ne sera peut-être pas d’accord sur tout ce que j’écris. Mais c’est moi qui raconte ! C’est mon histoire, mes souvenirs.
Au début, c’est beau. Même pas en fait. Un début qui ressemble à une fin.
On se venge, on se quitte, on s’aime. Mal.
On se ment, on se fuit, on s’oublie. On s’aime. Mal.
Mais on s’aime.
On se le promet, pour le meilleur et pour le pire. Le pire, on ne sait pas.
Le pire, c'est maintenant. On n’y arrive pas. On ne se comprend pas, on ne s’écoute pas.
Les souvenirs restent. Ce que j’ai promis d’oublier me torture. Je suis sure de rien. J’ai peur de tout. Je voudrais y croire. Je rêve de tranquillité, de paix, de douceur. Mais je crame, petit à petit. Je perds des lambeaux de peau. Chaque seconde est un sacrifice. Je ne peux plus rester calme.
Mais on s’aime. Passionnément. Incroyablement.
Incroyablement mal.
Mais si c’était ça l’important ? Si c’était juste l’Amour, l’essentiel ?
Petit à petit, on s’enlise dans un quotidien semé de désaccords et de déceptions. On oublie de s’aimer. Surtout de se le montrer.
Et puis les cris, les disputes, les larmes. Je l’aime autant que je le déteste. Je n’existe plus. S’il ne m’aime plus, je n’existe plus. S’il ne m’aime plus, je me souviens. Je ne veux pas me souvenir.
Et puis le silence.
Et puis...
Rien.
On ne se parle plus. Ni avec des mots, ni avec nos corps. On ne se regarde plus. C’est trop tard. C’est plus qu’une question de temps. Je n’ai pas peur de la fin. Elle me soulagerait presque. Rien ne marche. Tout foire. Je l’ai perdu. Jour après jour, je le perds. Et je fais des erreurs. Encore.
Mais je l’aime. Inévitablement. Inexorablement.
Jusqu’au bout, je veux rester. Je veux le retrouver. Je voudrais essayer. Je n’ai presque plus de force. Lui non plus.
Quand je m’allonge à côté de lui, quand il dort, je me colle. Je fais semblant. Je me persuade qu’il me serre dans ses bras, qu’il aime me sentir contre lui. Qu’on est heureux.
Quand je regarde nos photos, je fais semblant. Je me persuade que ces sourires ne sont pas perdus. Qu’on est heureux.
Quand je ferme les yeux, je le revois me fixer. « Arrête de me regarder ! » je lui disais. Ca fait bien longtemps qu’il ne me voit plus. Qu’on est heureux.
Il devient un inconnu. Je me surprends à penser que cet homme-là, je ne l’aurais pas épousé. J’essaye encore. Pas lui. Les déceptions s’enchainent.
Je voudrais qu’il me supplie, à genoux. Je voudrais qu’il me rassure. Je voudrais oublier. Je voudrais qu’on s’aime. Je voudrais être sure que j’ai compté.
Je ne savais pas. Je ne voulais pas. J’ai mal. Physiquement.
C’est une histoire con. Une histoire qui nous bouffe.
J’ai fait semblant, trop souvent, que je pouvais partir, sans me retourner. J’ai crié, très fort, que cette fois c’était terminé. J’ai prétendu que je m’en foutais, que j’en pouvais plus, qu’il n’était pas le seul mec sur terre.
Mais je n’ai jamais vraiment osé croire que cette histoire pouvait s’arrêter. Mais si, ça peut s’arrêter.
Comme ça, aussi rapidement qu’un claquement de doigt. Mettre 3 pulls et quelques pantalons dans des valises. Ranger les souvenirs. Garder ce qu’on aimerait jeter, pour oublier. Le garder pour Lou, car c’est important qu’elle sache que l’on s’est aimé, très fort, malgré tout.
Lui, c’est moi. Il est entré, un jour, dans mon corps et n’en est plus jamais sorti. Je le retiens de toutes mes forces. Je le retiens de mes mains cloquées. Il est ma respiration, mes battements de cœur, mes envies, ma force.
Je l’aime, c’est tout con. Je l’aime à pleurer de rage quand il me passe à côté sans m’apercevoir. Je l’aime à en avoir envie de crever devant tant d’indifférence. Je l’aime à hurler de colère quand je comprends que cette que cette fin, il l’envisage. Je l’envisage aussi maintenant.
Je l’envisage même carrément, au fur et à mesure que je rempli mes valises de nos souvenirs. Et même que je respire bien de nouveau.
Par contre, cette fois, je ne garde que les bons. Ceux qui ont fait de moi ce que je suis. Ceux qui ont fait de Lou notre fille.
Je l’aime. J’aime l’aimer. J’ai aimé l’aimer.
On s’est aimé, très fort. On s’est tout donné.
Certaines promesses ne seront pas tenue, d’autres ont été carrément piétinées.
Mais il y en a une, qu’on s’est faite il y a presque un an, que l’on tiendra. Celle d’aimer Lou, de toujours la faire passer en 1er et de la protéger de la stupidité des adultes ! On restera unis et soudés, pour elle, envers et contre tout. On sera à jamais SES parents et, à chaque fois qu’on la regardera, on se souviendra. Il faut se souvenir.
Je suis fière qu’on se soit suffisamment aimé pour donner naissance à notre fille. Je suis fière que cette enfant soit le fruit de cet amour. Il n’y a pas de règles en amour, alors on ne pourra pas nous reprocher de nous être mal aimé. Peut-être juste de ne pas avoir essayé.
Et puis, et puis…
Le fin, c'est ça aussi...
C'est parler au passé, c'est le dire aux gens, c'est raconter encore pourquoi. C'est oublier pourquoi.
C'est s'entendre dire que c'est trop bête. Que c'est dommage. Sans déc...
C'est s'empêcher de l'embrasser, de le toucher. C'est contrôler nos instincts, nos habitudes. C'est mettre un mouchoir sur nos envies.
C'est tous ces voyages qu’on ne fera pas. Tous ces rires qu’on ne partagera plus.
Ces matins où mes yeux vont le chercher. Ces nuits où mes mains se perdront et tomberont dans le vide.
Ces lèvres, désormais orphelines. Mon corps tout entier est orphelin.
J’ai tellement voulu y croire, toutes ces années, que j’ai fini par me persuader que nous étions indestructibles. Insubmersibles.
Je le chercherais longtemps dans mon sommeil, je chercherais longtemps ce corps dont il faut que je me déshabitue. Ce corps que je connais par cœur. Je l’ai aimé comme on aime une seule fois. Et je garde avec moi la fierté de pouvoir dire « oui, je sais ce que c’est d’aimer ».
Maintenant, je dois apprendre à être moi. Moi sans lui, je n’existe pas vraiment.
Il va donc falloir que je me retrouve puisque j’étais perdue, bien cachée quelque part sous sa peau.
« Ce qui ne me tue pas, me rend têtue », c’est ce qu’il m’a dit, un 12 mai d’une belle année. C’est vrai. Je serais assez têtue pour être heureuse.
Le fin, c'est aussi être sure de ne rien oublier, regarder encore et encore dans les moindres recoins de notre...de son...appartement. C'est réfléchir vite, parce que si ça dure trop longtemps, ça fera encore plus mal.
C'est quitter un homme, son homme, son tout. Quitter un ami, un frère. C'est quitter un pays, une langue, une culture. C'est quitter une part de moi, c'est perdre 6 ans. C'est sauver ces 6 ans. C'est se convaincre que c'est pour ne pas se déchirer.
C'est quitter une bague, et la ranger très au fond d'une trousse de toilette. C'est ranger ces albums photos, très au fond des valises. Ranger notre rancœur, très au fond de notre cœur pour ne garder que le meilleur.
C'est retrouver son sourire dans celui de Lou et se sentir bien. C'est savoir que ça ira. Parce que oui, ça ira.
Je l’aimerais à travers Lou, jusqu’à la fin. Et à Lou, je lui dirais la vérité.
Que c’était une histoire d’amour.